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Dans l'organisme où je travaille, on débat beaucoup, beaucoup, énormément... L'autre jour, entre la poire et le fromage, nous nous lançons dans un débat sur les CAF. Oui, les CAF, car elles aident les parents à financer les colonies de vacances.

Mon collègue m'affirme alors : "Franchement, si je ne bossais pas dans le monde des colos, je dirais que l'aide vacances enfant est la première à supprimer au niveau des CAF. Par exemple, les aides au logement, c'est bien plus important. Partir en colo, c'est bien. Avoir un toit au-dessus de sa tête, c'est indispensable."

Comment lui donner tort ? En ces temps de raréfaction de l'argent public, le dilemme est d'ailleurs d'actualité... Comment ne pas considérer que, oui, l'habitat passe avant la colo ? Et pourtant, j'émets une réserve... A mes yeux, rien n'est plus important que l'éducation. L'avenir se joue dans ce secteur, à tous les points de vue.

Or, sur le papier au moins, les colos font pleinement partie du secteur éducatif.

Au-delà de tout ce que l'on peut mettre en place en terme d'activités, de projets, de thématiques, la colo est le lieu où les relations entre adultes et jeunes peuvent se tisser autrement. On n'est pas face aux parents, avec la confrontation que cela implique à certaines étapes de la vie. On n'est pas à l'école, avec la pression du résultat, de la note ou de l'échéance brevet / bac en fin d'année.

Les anim' ont vis-à-vis des jeunes une place que les parents ne peuvent pas avoir du fait de leur rôle. Ils peuvent donc être, sinon des confidents, au moins une autre référence adulte pour le jeune. Quelqu'un d'autre à qui parler. En tant qu'anim ou directeur, je suis à peu près certain d'avoir déjà reçu des confidences de la part de jeunes (notamment d'ados) qui ne s'étaient pas confiés ailleurs. Parfois, c'était grave (scarifications, crises d'angoisse et consommation massive de clopes...). Parfois ça l'était moins (mal-être chez soi ou dans sa classe...).

Je ne peux pas prétendre avoir amélioré la situation de ces jeunes : je ne suis plus à leur côté pour le vérifier. Mais je suis à peu près sûr d'avoir été, à un moment T, une personne à qui ces jeunes ont eu envie de parler. Ce qu'ils n'auraient pas fait avec une père, une mère un prof. Et dans le même temps, je suis resté un adulte, c'est-à-dire quelqu'un qui peut avertir, aiguiller, conseiller... sans doute mieux qu'un copain. De nombreux anim' et directeurs jouent ce rôle.

Par ailleurs, la colo est un lieu où l'on peut expérimenter des choses que l'école ne peut pas, ou très rarement. D'abord, dans le pire des cas, le taux d'encadrement est d'un pour 12, quand les instituteurs et les profs se retrouvent souvent avec 30 élèves face à eux. Plus facile donc... Par ailleurs, on est moins tenu à une méthode particulière. Malgré tout ce qui a pu être fait ces dernières années, l'école demeure ce lieu où le savoir est transmis "du haut vers le bas". Les pédagogie type Freinet ou Montessori demeurent l'exception. Elles sont en revanche beaucoup plus applicables en colonie de vacances.

Les directeurs abordent d'ailleurs ces pédagogies alternatives dans le cadre de leur formation BAFD... et cela peut convenir à certains jeunes (pour ne pas dire beaucoup...) auxquels le système scolaire ne convient pas. Et même si on ne met pas en place une pédagogie particulière, on est tenu de réfléchir sur ce que l'on va faire avec les jeunes, sur les valeurs que l'on souhaite leur transmettre, et sur les moyens de les transmettre. La philosophie est différente de celle de l'école. On n'est pas là pour un contenu. On est là pour faire vivre un groupe.

Mais pour cela, encore faut-il que la colo remplisse réellement ce rôle "alternatif", complémentaire à ce qui est apporté à l'école et dans le cercle familial. Or est-ce bien le cas des séjours consommateurs qui ont émergé au cours de ces dernières années ? Quand une colo se résume à aller d'une activité prestataire à une autre, quand les anim' sont réduits au rôle d'accompagnants et se contentent de "gérer", on peut imaginer que l'apport pédagogique est restreint. Auquel cas, je soutiens mon collègue : les aides de la CAF seront plus utiles en APL qu'en coupons vacances enfants. Mais si la colo reste cet espace d'échange, éventuellement autourv d'une thématique ou d'un projet, alors je reste sur ma position : elle a toute sa place dans le champ de l'éducation.

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